Sin City est une ville infestée de criminels, de flics ripoux et de femmes fatales… Hartigan s'est juré de protéger Nancy, une strip-teaseuse qui l'a fait craquer. Marv, un marginal brutal mais philosophe, part en mission pour venger la mort de son unique véritable amour, Goldie. Dwight est l'amant secret de Shellie. Il passe ses nuits à protéger Gail et les filles des bas quartiers de Jackie Boy, un flic pourri, violent et incontrôlable. Certains ont soif de vengeance, d'autres recherchent leur salut. Bienvenue à Sin City, la ville du vice et du péché.
Réalisateur sympathique et modeste, Rodriguez souffre pourtant d’une terrible réputation, notamment en France et se voit conspuer et dénigrer à la sortie de chacun de ses films. On serait tenté de trouver ce jugement quelque peu déplacé tant l'auteur d’El Mariachi détonne dans le paysage du film d’action made in USA. Que l’on n’apprécie pas sa manière quelque peu speed d’enchaîner les projets est une chose, mais vouloir le rabaisser continuellement au stade d’opportuniste et d’incapable est tout de même sacrément déplacé. Que cela soit sa série des Spy Kids (loin d'être ce qu’il y a de pire dans le cinéma pour enfants) ou sa trilogie du Mariachi (petit budget, gros effets), Rodriguez a de la suite dans les idées et possède assez d’entrain pour confectionner des pop-corn movies, certes imparfaits, mais somme toute assez jouissifs.
Ce Sin City tant attendu ne déroge pas à la règle même s’il risque de laisser les pro- et anti- Rodriguez camper sur leurs positions. Quand en plus son dernier film est l’adaptation du comic book d’un des plus grands auteurs / dessinateurs de sa génération, on peu légitimement s’attendre à encore plus de polémique. Le résultat est pourtant là et démontre que Rodriguez, et son style bien à lui, trouve ici un tremplin idéal avec ce projet risqué. Visuellement, Sin City est à tomber par terre, avec son noir et blanc d'une classe folle, son casting habité et sa direction artistique méticuleuse. Le rythme a beau être soutenu et les personnages multiples, Rodriguez réussit à donner vie aux nombreux habitants de Sin city et fait de Mickey Rourke et de Bruce Willis des icônes qu’on n’est pas prêt d’oublier. Marv et Hartigan ont beau être des archétypes, ils n'en demeurent pas moins des individus complexes et touchants.
Rodriguez réussit le plus ardu : donner vie à de purs fantasmes de cinéma en jouant le premier degré, sans flatter constamment le fanboy par moult clins d'œil complaisants (chose que l’ami Quentin n’a pas su faire avec Kill Bill). On souffre avec eux et on pleure pour eux. Les hommes sont à la fois victimes et bourreaux, durs et tendres, et se battent pour sauver leur honneur dans un monde où la corruption gangrène tout sur son passage (voire le rôle pas très catholique de l'église, du Miller tout craché). Malgré leurs différences, chacun des héros des trois histoires qui composent le film, ne représentent en fait qu’une même et unique personne (Miller ?). Les femmes ne sont pas en reste et sont l’exemple de la féminité selon Miller : à l’image d’Elektra, celles ci sont belles, téméraires et fragiles.
Alors oui, on pourra toujours trouver quelques défauts, mais ceux-ci ne freinent en rien l’euphorie provoquée par le film et ses nombreuses qualités. Si Rodriguez n’est pas au cinéma ce que Miller est au comics (un génie, un précurseur), la compréhension qu’il donne de l'univers de Miller alliée à l’efficacité redoutable de sa mise en scène offrent à Sin City une richesse narrative et une force visuelle des plus réjouissantes.